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A la découverte du CEGEP du Vieux Montréal, l’unique formation publique en animation 2D du Québec

par Véronique Dumon

1 août 2022

Le CEGEP (Collège d’Enseignement Général et Professionnel) est une structure publique et entièrement gratuite (à l’exception de frais administratifs, environ 300 $CA, soit à peu près 220 €) spécifique au Québec.

Dans ces établissements, situés entre l’école secondaire et l’université, sont dispensés deux types de programmes. Des programmes pré-universitaires (sciences, sciences humaines…) qui durent deux ans et des programmes techniques débouchant sur un Diplôme d’Etudes Collégiales techniques (DEC), en trois ans. On y enseigne à la fois des matières générales (français, anglais, philosophie, mathématique, éducation physique…) et des matières techniques. Ce programme professionnalisant est conçu pour préparer à l’entrée sur le marché du travail. Et même si certain.es étudiant.es décident de poursuivre leurs études, la majorité d’entre eux.elles commencent à travailler à l’issue de ce cursus.

Le CEGEP du Vieux Montréal, installé dans le Quartier Latin, au cœur de Montréal, offre depuis plus de 20 ans des programmes techniques en animation : dessin animé / animation 2D traditionnelle depuis 1998 et animation 3D depuis 2003.

Retour avec Pierre Grenier, coordinateur du programme dessin animé à l’origine de la création et de la conception du département animation au sein de l’établissement, sur la réussite de cette formation de référence, unique au Québec et reconnue dans le monde entier.

Toon Boom : La plupart des écoles d’animation, en particulier les écoles françaises réputées pour être parmi les meilleurs au monde, proposent des cursus en cinq ans. Mais vous Pierre, au CEGEP du Vieux Montréal, vous formez des professionnel.les de la 2D et de la 3D en trois ans. C’est donc suffisant ?

Pierre Grenier : Je ne dis pas que nous n’aimerions pas disposer d’un peu plus de temps… Nous avons déjà fait des démarches pour voir s’il serait possible de faire ce cursus en quatre ans. Mais une loi sur les CEGEP régit le nombre d’années d’études et il ne peut excéder trois ans.

Souvent, lorsque les jeunes arrivent, ils sont très peu formés au dessin. Pendant la Révolution tranquille au Québec, dans les années 60, beaucoup de choses ont été évacuées, dont un enseignement académique des arts. Les arts visuels sont devenus très axés sur l’expression personnelle et beaucoup moins sur les bases (anatomie, perspective…). Nous les prenons vraiment pour certains de zéro.

Je fais souvent cette comparaison : c’est un peu comme si on recevait des étudiant.es qui ne connaissent pas le français, qui ne savent donc pas l’écrire mais à qui l’on dirait : à la fin des trois ans, tu vas écrire un roman ! Et même un très bon roman !

Donc une année supplémentaire pour ce que les américains appellent « fondation », ne serait pas mauvais. Mais quoi qu’il en soit, on est assez fiers du parcours que l’on mène avec nos étudiant.es qui réalisent tou.tes, et individuellement, un court métrage à la fin de leurs études.

Toon Boom : Mais alors, quelle est la recette, la formule magique du CEGEP du Vieux Montréal ?

Pierre Grenier : (rires) Je pense qu’une des clés c’est l’encadrement.

Le CEGEP est une étape très particulière de notre système éducatif, celle pendant laquelle on voit sous nos yeux les étudiant.es, entré.es vers l’âge de 17 ans, encore des enfants, devenir des adultes. « Ils sont petits, tu vas voir » me disait une collègue d’un autre programme lorsque je suis arrivé. Et c’est vrai (rires).

Alors, certains diraient que nous sommes « contrôlants » mais je pense juste que nous encadrons énormément nos étudiant.es car nous ne voulons pas qu’il.elles soient livré.es à eux-mêmes. Il y a des contrôles périodiques, des remises partielles, on vérifie l’avancement des travaux… Ce qui nous permet d’arrêter et de recadrer si on voit qu’un.e étudiant.e fait fausse route.

Par ailleurs nous sommes une équipe pédagogique très soudée, on échange beaucoup, on parle énormément des jeunes gens qui suivent notre enseignement. Et sans vouloir être trop présomptueux, je pense qu’il n’y a pas beaucoup de leurs problèmes qui nous échappent.

Je pense aussi que la structure de notre programme favorise l’apprentissage.
La première année est vraiment celle de la remise à niveau, on s’assure que tout le monde acquiert de bonnes bases en perspective, en dessin anatomique…

Pendant la deuxième année, on les amène à faire de la conception par eux-mêmes. Il.elles commencent à concevoir des lieux, des personnages…

Et la troisième année est l’année de production, presque entièrement consacrée à la création de leur film. Où chaque étape est encadrée par un.e prof en particulier qui s’assure qu’elle est bien comprise, bien réalisée, avant de les faire passer à la suivante.

Là encore, il.elles ne sont pas laissé.es livré.es à eux-mêmes trop longtemps et nous allons assez loin avec chacun.e dans chaque aspect de son travail.

Toon Boom : Ce qui veut dire que votre nombre d’étudiant.es est restreint et vos prof nombreu.ses pour arriver à accorder le temps que vous jugez nécessaire à chacun.e ?

Pierre Grenier : Il n’est effectivement pas rare que l’on ait des cours à une vingtaine d’étudiant.es. Donc je ne qualifierai pas ça de petit groupe, mais de groupe gérable, qui permet le bon encadrement. Et nous avons des cours sur plusieurs périodes qui nous permettent de passer du temps vraiment avec chacun.e.

Je donne des cours aux 3e années et à chaque rencontre, chaque semaine, je m’assure de passer tou.tes les voir individuellement. Avec certain.es, je vais passer cinq minutes alors que pour d’autres, je vais m’assoir 15-20 minutes.

Toon Boom : Quels sont vos effectifs dans le département ?

Pierre Grenier : On admet environ 48 étudiant.es chaque année dans chacun de nos deux programmes, divisé.es en deux groupes par programme. Puis à chaque semestre, il y a une petite déperdition et on termine en 3e année avec 17 ou 18 étudiant.es par groupe. On diplôme environ 32 ou 34 étudiant.es chaque année en dessin animé et à-peu-près autant en animation 3D.

Toon Boom : Encadré.es par combien d’enseignant.es ?

Pierre Grenier : L’équipe complète compte 15 enseignant.es dont six attaché.es à l’animation 3D et un ou deux qui sont sur les deux programmes. L’équipe est un petit peu plus importante côté dessin animé car notre programme est conçu avec plus de cours à dispenser par les professeur.es du département.

Toon Boom : Cette équipe enseigne-t-elle à plein temps ou est-elle composée, comme dans un certain nombre d’écoles, de professionnel.les qui viennent, en parallèle de leur travail en studio, enseigner une discipline ?

Pierre Grenier : Les CEGEP sont structurés avec une équipe enseignante à temps plein. J’ai moi-même commencé à travailler, comme tous les autres membres, dans l’industrie, pendant 10 ans pour ma part, avant de commencer à enseigner. Pendant mes premières années d’enseignement, je prenais encore des contrats. Mais depuis une quinzaine d’années, je me consacre entièrement au CEGEP, en développant des projets personnels par ailleurs.

En revanche, nous accueillons régulièrement des conférencier.es. qui viennent parler d’un aspect du travail en particulier.

Toon Boom : Cela ne vous donne-t-il pas le sentiment d’être déconnecté.es des réalités du terrain ?

Pierre Grenier : Ce pourrait être en effet un problème. Mais l’on se tient au courant de ce qui se passe dans le secteur, on a une bonne relation avec l’industrie et on aime croire que l’on se garde à jour.
Nous continuons notamment évidemment à suivre des formations. Par exemple, en tant qu’enseignant.es d’un Centre d’excellence Toon Boom, nous sommes tenus de nous former chaque année aux évolutions de leurs logiciels.

Nos projets personnels nous amènent par ailleurs à travailler sur les logiciels du marché et à garder la main.

Toon Boom : Du côté des étudiants.es, il n’est pas possible de suivre vos programmes en alternance et il.les ne font pas non plus de stage. Pourquoi ce choix dont on pourrait penser qu’il les tient trop éloigné.es du milieu professionnel ?

Pierre Grenier : Cela fait une vingtaine d’année que l’on offre le DEC en dessin animé et à sa création, on avait regardé s’il y avait la possibilité d’intégrer des stages. Puis, lorsque l’on a commencé à faire le décompte de toutes les heures, de toutes les notions que l’on devait leur transmettre en trois ans, on s’est dit que ce ne serait pas les servir que de leur imposer des stages puisque cela leur retirerait de la formation.

Ce qui tient lieu un peu de stage finalement, c’est la production de leur film de fin d’études qui est structurée exactement comme dans l’industrie. Avec un échéancier de production très strict, des étapes à réaliser les unes avant les autres, le travail à faire autour de la musique…

Toutes les musiques des films de nos finissants sont des musiques originales composées par des compositeurs bénévoles dont certain.es travaillent avec nous depuis une quinzaine d’années. Et nous avons un partenariat notamment avec le mastère de Musiques Appliquées aux Arts Visuels (MAAV) de l’Université de Lyon. Ce travail en particulier est très formateur, il oblige les étudiant.es à apprendre à formuler précisément leurs demandes, mais aussi à faire preuve de beaucoup d’ouverture d’esprit.

Toon Boom : Tout ça dans les mêmes conditions que celles d’un film professionnel ?

Pierre Grenier : C’est ça. Et il arrive que certain.es ancien.nes nous disent « c’est en fait beaucoup plus relax en industrie, vous nous faites vraiment travailler fort au CEGEP » (rires).
C’est un commentaire que l’on a souvent, nos diplômé.es sont de bon.nes généralistes. Dès le départ, on peut les affecter à différentes tâches. C’est une qualité reconnue à nos étudiant.es en dessin animé comme en 3D qui plait beaucoup aux studios. Nous avons un taux de placement de 75% au bout 1 an.

Bien sûr, tou.tes ne rentrent ni ne sortent avec le même niveau et les mêmes capacités, comme dans n’importe quelle école. Certain.es, très doué.es, ne rencontreront aucune difficulté à trouver du travail. Je pense notamment à la meilleure animatrice animalière que nous n’ayons jamais eu au CEGEP, qui est actuellement à l’école.

Toon Boom : Comment travaillez-vous avec les studios pour faire connaitre vos étudiant.es et favoriser leur recrutement ?

Pierre Grenier : Un des temps forts dans ce domaine, c’est notre Gala annuel de fin d’année. C’est une projection à laquelle l’industrie est invitée. Elle est suivie d’une soirée portfolio où tous nos étudiant.es ont leur table, peuvent montrer leur travail, échanger avec les recruteurs. Une soirée pendant laquelle des rendez-vous se prennent pour des entrevues d’emploi.
Nous avons par ailleurs un réseau d’entreprises partenaires qui suivent le travail des étudiant.es au cours de l’année et distribuent des bourses lors de cette soirée.

Elles organisent des séances de visionnage de tous les films en amont, avec popcorn et votes. Elles adorent ça ! Chaque compagnie a ses critères. Toon Boom par exemple, récompense souvent l’étudiant ou l’étudiante qui a su le mieux tirer parti de l’utilisation de ses logiciels. Un studio spécialisé dans le cartoon va choisir le film le plus drôle. Cela pousse évidemment nos étudiant.es à faire le meilleur film possible, pour être remarqué.es et empocher entre 500 et 1000 $ CA. Un beau coup de pouce pour un projet personnel.

Nous sommes même obligés de limiter le nombre de bourses sous peine de devoir faire face à une très longue soirée (rires). Chaque entreprise souhaitant se présenter sous son meilleur jour pour attirer les futur.es collaborateur.ices, un véritable enjeu dans une période de plein emploi dans le secteur comme celle que nous connaissons actuellement.

Mais c’est une véritable évolution au regard de nos débuts. Quand on a commencé à concevoir le programme, vers 97-98, une période où il y avait beaucoup de travail, c’était sous l’impulsion des compagnies présentes au Québec. Elles étaient allées au ministère de l’éducation réclamer un programme de formation à l’animation qui n’existait pas à l’époque dans le système scolaire public.
Mais quand nos premier.es diplômé.es sont arrivé.es, en 2002, le marché s’était complètement effondré. Le début des années 2000 était terrible, il n’y avait plus de travail. Ça a été difficile pour nous.

Puis, graduellement, l’activité a repris et depuis plusieurs années, nos étudiant.es en dessin animé se placent au moins aussi bien que les étudiants en 3D. Et les compagnies s’arrachent les meilleurs étudiant.es.

Ce lien avec l’industrie passe aussi par les contacts privilégiés que chaque professeur.e a dans les studios et qui nous permettent de savoir qui recrute à quel moment, sur quels projets.
Nous essayons de nous impliquer aussi dans les organisations professionnelles. Nous avons par exemple un.e représentant.e depuis plusieurs années dans le conseil d’administration de l’Alliance Québec Animation (AQA) qui regroupe artistes et artisans, créateurs, fabricants, producteurs et studios œuvrant dans le secteur de l’animation au Québec.

Toon Boom : On retrouve vos alumnis dans des studios au Québec, au Canada et un peu partout dans le monde. Mais y a-t-il des entreprises qui viennent en priorité recruter parmi vos étudiant.es ?

Pierre Grenier : Il y a en a plusieurs, mais le premier, peut-être parce que c’est un de nos plus anciens partenaires, c’est Tonic DNA (NDLR : ex-Studio Pascal Blais).
Ils font beaucoup de sous-traitance depuis quelques années entre autres pour Netflix, sur des séries comme Green eggs and ham.

Oasis Animation également, peut-être le plus gros employeur ici à Montréal. CinéSite qui offre plusieurs bourses cette année à nos étudiants. Et aussi une petite compagnie, Salambo animation, qui engage énormément chez nous.

A Québec, il y a Frima et un tout nouveau studio qui monte et qui fait de l’animation de belle qualité, Du Coup Animation, fondé par un Français, André Kadi, avec une de nos anciennes étudiantes, Marie-Michelle Laflamme. Toujours à Québec, Happy Camper est un studio très dynamique. En fait la liste est longue ! Il faut dire que cette année une vingtaine de studios remettront des bourses à nos finissants !

Nos étudiant.es partent aussi travailler au Canada anglophone, mais moins au-delà en réalité, même si l’on en trouve en Nouvelle-Zélande, à Londres, en France, aux Etats-Unis. Il faut dire qu’il y a vraiment beaucoup de travail en ce moment au Québec et qu’en 3D en particulier, beaucoup de studios internationaux viennent s’y établir.

Etonnamment, il.elles nont pas toujours l’air non plus d’être conscient.es de pouvoir aller travailler n’importe où (rires). L’animation c’est pourtant international.

Toon Boom : Combien de professionnel.les ont-il.elles été formé.es au CEGEP du Vieux Montréal depuis sa création ?

Pierre Grenier : On peut parler de 500 diplômé.es. Quand j’ai commencé à travailler, dans les studios de Montréal, les gens parlaient beaucoup anglais car presque tout le monde venait du Sheridan College, au Canada anglais, en Ontario, où j’ai étudié. Et maintenant, lorsque je vais visiter des studios, ce ne sont presque que des étudiant.es de chez nous qui y sont.

Toon Boom : Revenons à la création du programme dessin animé. Vous faites partie de l’équipe depuis l’origine et vous avez participé à sa conception.

Pierre Grenier : J’ai d’abord fait partie du groupe de professionnel.les qui a donné son avis sur ce que devrait être un programme dans cette discipline. Puis j’ai eu ensuite la chance d’être l’expert engagé par le ministère de l’éducation pour aider à déterminer les compétences qui allaient constituer le programme. Finalement, j’ai été embauché par le CEGEP pour l’implanter. J’ai donc été aussi le premier prof. Pendant une demi-année, on peut même dire que le département c’était moi, moi tout seul (rires).

Ma première collègue a été Lina Gagnon, l’assistante de Frédéric Back sur L’Homme qui plantait des arbres. Elle avait pris sa retraite il n’y a pas longtemps et est malheureusement décédée depuis.
Et puis on a constitué l’équipe au fur et à mesure et j’ai eu la chance de voir tout ça grandir. C’était une belle aventure ces débuts !

Toon Boom : Et vous continuez à enseigner ?

Pierre Grenier : Oui, l’animation de personnages. J’ai surtout travaillé comme animateur avant d’occuper des postes de superviseur.
Mais mes premières amours, c’est le mouvement, et j’enseigne aux 3e années l’animation de dialogue, donc le jeu de personnages, la synchro labiale. Puis, en dernière session, j’encadre les films de fin d’études.

Toon Boom : Profitons-en pour parler un peu de votre parcours.

Pierre Grenier : J’ai commencé chez Nelvana à Toronto, sur la série Babar. j’ai Ensuite travaillé en Irlande, chez Sullivan Bluth (NDLR : studio irlando-américain créé en 1979 par le réalisateur Don Bluth, connu notamment pour la fabrication du long métrage All dogs go to Heaven/Tous les chiens vont au paradis en VF). Ensuite pour plusieurs sociétés à Montréal, sur des publicités animées, puis pour Ciné-Groupe en tant que superviseur et un studio qui n’existe plus, Cactus Animation sur la série Bob Morane.

Et en 97, j’ai commencé à m’impliquer dans la création du programme pour le CEGEP.

Toon Boom : Vous aviez déjà cette envie d’enseigner ?

Pierre Grenier : J’ai toujours eu l’envie d’enseigner. Le désir de transmettre était là, oui. J’avais par ailleurs un parcours universitaire, en arts graphiques en l’occurrence, un des critères recherchés par le ministère.

Mais ce n’est pas évident et j’aurais pu ne pas être du tout un bon pédagogue. Je dois dire que pendant mes premières années d’enseignement, des cours de pédagogie étaient offerts aux nouveaux professeur.es ce qui m’a beaucoup aidé, notamment à mieux organiser mes cours.

Toon Boom : Les logiciels évoluent constamment. Avez-vous des échanges avec les studios et les développeurs de logiciels pour pouvoir, vous aussi, faire évoluer vos programmes et anticiper sur les besoins du marché ?

Pierre Grenier : Bien sûr, c’est essentiel, on ne pourrait pas deviner en restant confinés dans une sorte de tour d’ivoire. Un programme de CEGEP, c’est cependant un gros bateau, on ne peut pas faire tourner ça trop rapidement. Il y a quatre ans, nous avons décidé de faire une refonte de notre grille de programme et nous avons mené une consultation assez étendue auprès des entreprises à Montréal pour voir ce qui était « hot », ce que l’on devait intégrer. Et nous avons fait beaucoup de modifications. Nous sommes dans la dernière année d’implantation et les étudiant.es qui vont rentrer en 3e année cet automne vont être les premier.es qui auront suivi toute la nouvelle grille.

On a introduit beaucoup plus d’animation en cut-out par exemple, beaucoup plus de rigging de personnages. Mais il reste que notre particularité a toujours été de donner une très grande place au dessin. J’ai une étudiante en dernière année qui fait son film entièrement en cut-out, mais la majorité de nos étudiant.es les réalisent en dessin par dessin. Non pas parce que nous ne leur enseignons pas les autres notions, mais c’est la technique que nous privilégions.

Il y a quelques années, nous nous sommes demandé si nous n’étions pas en train de devenir des dinosaures, mais il y a maintenant un retour à l’animation traditionnelle.
En fait, on utilise ce qui est le plus adapté, ce qui donne le plus de liberté. Ce qui est laborieux à réaliser dessin par dessin est fait en cut-out, et ce qui est plus sensible, plus complexe, on le dessine. Il y a une hybridation et la qualité n’en est que meilleure. Y compris dans l’industrie de la série ou la qualité de l’animation a beaucoup augmenté en comparaison des années 90, grâce notamment à l’utilisation en partie du cut-out qui a permis de baisser les prix.

Nos étudiant.es savent aujourd’hui qu’ils vont travailler sur des séries dont ils vont pouvoir être fiers, ce qui n’était pas toujours le cas il y a 15 ou 20 ans.

Toon Boom : Vous l’évoquiez plus tôt dans l’interview, le CEGEP du Vieux Montréal fait partie du programme Center of Excellence mis en place par Toon Boom, que cela représente-t-il pour vous ?

Pierre Grenier : Toon Boom est un partenaire de la première heure et ce label est tout d’abord une belle reconnaissance de notre travail. Mais l’avantage le plus immédiatement visible, c’est que nos étudiant.es ont tou.tes une licence personnelle Harmony et Storyboard Pro, utilisables à l’école et chez eux, dès le moment où il.elles sont inscrit.es et pour leurs trois années d’études. C’est inestimable !

Toon Boom : En écoutant les témoignages de vos alumnis sur votre site, très chaleureux à l’évocation de leurs années passées à vos côtés d’ailleurs, on a l’impression qu’ils sont exclusivement québécois. Accueillez-vous aussi des étudiant.es étrangers ?

Pierre Grenier : J’aimerais beaucoup. Nous en avons déjà eu, mais notre politique provinciale, due à la grandeur de la province, fait que les programmes qui ne sont pas en difficulté de recrutement ne sont pas ouverts aux étrangers.

Et il se trouve que nous refusons du monde car nous avons chaque année entre 200 et 300 demandes pour une quarantaine de places.

J’aimerais que l’on en garde une ou deux pour des étudiant.es de France par exemple, c’est simple avec notre langue commune. Et j’ai remarqué qu’en général, lorsque nous en avons accueilli.e, grâce au niveau d’enseignement du dessin qui est supérieur en France, il y avait une émulation au sein des classes. Et nous avons des demandes chaque année. Donc je travaille à obtenir les autorisations pour pouvoir mettre ça en place.

Toon Boom : Le CEGEP du Vieux Montréal est le seul à dispenser une formation au dessin animé. Pour quelle raison à votre avis ?

Pierre Grenier : Il y a effectivement au Québec un seul DEC en dessin animé, c’est le nôtre. Je dis toujours en plaisantant « on est les meilleurs », on est les seuls (rires).
En animation 3D, nous avons longtemps été également les seuls, mais il existe aujourd’hui quatre CEGEP francophones et un CEGEP anglophone qui offrent cette formation.
La raison pour laquelle nous restons les seuls en 2D est, je pense, le fort engouement pendant des années pour l’animation 3D autour des jeux vidéo notamment.
Mais je ne serais pas étonné qu’avec le besoin de main d’œuvre actuel en dessin animé, d’autres CEGEP demandent une autorisation pour l’enseigner.

Toon Boom : Donc vous êtes la référence !

Pierre Grenier : Par défaut (rires). Mais plus sérieusement, j’aime croire quand même que l’on remplit le mandat, que l’on forme des jeunes qui sont talentueux.